Suite au Woodstock du Cap Comorin, roulant à tous les jours plusieurs kilomètres, me voilà à penser que les Têtes à Claques auraient du « jus » à venir s’inspirer de la vie indienne. Voici mes quelques-unes de mes réflexions.
D’abord notre chauffeur a un défaut de dents comme le commandant du vol 1932. Me voilà à rire seule de mes pensées.
Sur les routes rurales, des femmes portent des tas de foin énorme. De derrière, on ne voit que le tas de foin qui occupe sa tête et ses épaules, donnant l’impression que le tas de foin marche seul.
Nous voyons des vélos sur lesquels des grappes de chaises en plastique sont empilées dépassant la tête du cycliste de plusieurs pieds. De derrière, on ne voit que les pieds du cycliste en mouvement. On a l’impression que vélo avance sans conducteur.
Vidgi dit que les vaches sur les routes sont les policières de la circulation. Il faut ralentir veut, veut pas!
Les tuktuks du coin, ont une partie du devant peint en noir, ce qui me donne l’impression que c’est un Ganesh, avec sa grande trompe d’éléphant. Je crois que c’est le temps que je retourne au Québec. Mon imagination devient très fertile!
Nous rions en disant que s’il fallait conduire au Québec comme ici, nous serions arrêtés pour conduite dangereuse et mentale.
La dernière et non la moindre, ce soir, je désire manger des frites et un sandwich rôtie aux légumes. Mais il faut commander à partir de notre chambre et nous sommes déjà au restaurant. Je demande au serveur si je peux commander maintenant. Non, non, seulement de la chambre. Alors je fais dring, dring, dring, here room 116, please I want a french fries.
Il rit mais il m’assure que je ne peux le manger au resto. Il me faudra revenir à ma chambre où la livraison sera faite. Guylaine est avec moi. Nous rions de ces incongruités n’ayant aucun sens pour nous. Je répète la même comédie pour commander la même chose à Guylaine. Il rit à nouveau et nous dit que le tout nous sera livré. Nous sortons en riant de plus belle. Vive la différence.
Il me faut me coucher, car demain matin, nous partons à 06h00 pour le ashram où nous effectuerons une montée de 45 minutes pour nous rendre aux grottes de l’ascète Ramana Maharishi.
Suite à un désir exprimé là veille, nous avons fait la grâce matinée ce matin ne débutant nos visites qu’à 10h00. Notre guide nous attendait à la sortie de l’hôtel. Il nous a expliqué qu’à Mamallapuram subsiste une très vieille tradition de sculpteurs de granit dont nous avons pu voir les œuvres et les ateliers le long de la route menant à notre hôtel et qui remonte à plus de 1400 ans dans le passé. Nous allons par conséquent visiter trois types de construction bien différentes les unes des autres : d’immenses rochers sculptés et évidés en temples, un bas-relief sculpté dans une grotte, un autre sur le flanc d’un immense rocher et un temple construit selon la méthode usuelle de blocs sur blocs.
Nos visites
Notre premier arrêt se fait au site des «Cinq rathas» ou chariots. Comme c’est un site reconnu par l’Unesco, les temples ont été désacralisés pour permettre à tous d’y pénétrer. La particularité de ces petits temples c’est d’avoir été sculptés et évidés à même d’immenses rochers qui sortaient du sol. Trois d’entre eux n’ont pas été terminés complètement à cause d’une guerre qui a mis fin aux travaux. Nous avons tous été impressionnés par le travail qu’ont nécessité ces sculptures dans le granit.
Notre deuxième arrêt fut pour voir les plus gros bas-reliefs de l’Inde, un premier sculpté dans une grotte et le second sur le flanc d’un immense rocher de granit et racontant l’histoire des dieux hindous. Nous avons pu ensuite nous amuser à essayer de déplacer une immense boule de pierre en équilibre sur le flanc d’une autre rocher. Très spectaculaire!
Finalement nous sommes allés visiter le «Temple on the sea», un très vieux temple en forme de pagode de plus de 1 400 ans situé sur la plage face à la mer de Bengale. Ce temple faisait parti d’un ensemble de cinq dont quatre ont été emportés par la mer avant que le gouvernement indien n’intervienne et ne fasse construire un mur de protection tout autour.
Notre chauffeur Vidji
Comme il nous reste très peu de temps avec notre chauffeur Vidji, nous avons donc décidé de l’inviter à dîner avec nous dans un bon resto offrant des fruits de mer. À notre grande joie, il a accepté… après les interventions de Guylaine et Raymonde car il très stricte pour ne pas mélanger les affaires et le social!
Nous avons pu alors le questionner afin de mieux le connaître car les renseignements que nous avions glané à date étaient superficiels et touchaient surtout à son implication dans la religion. Vidji est âgé de 33 ans et est chauffeur depuis 13 ans. Il demeure à Chennai, où nous allons demain, dans une maison qu’il loue 10 000 roupies par mois. Elle n’a qu’une chambre à coucher, une cuisine, une salle de bain et une salle à manger. Son père et sa mère, tous deux âgés de 65 ans et ne travaillant plus, demeurent avec lui ainsi qu’un frère handicapé. Il est marié à une très belle femme dont nous avons vu la photo sur son cellulaire. Ils ont deux enfants, une fille de 5 ans et un garçon de 2 ans. Il a aussi une sœur qui est mariée et qui ne demeure pas avec eux. Son beau-frère est chauffeur tout comme lui.
Son travail
Vidji travaille pour une agence offrant les services de chauffeurs. Ils sont dix chauffeurs à se partager le travail qui consiste en 6 mois de tours touristiques dans le Sud de l’Inde comme celui que nous faisons présentement avec lui, les 6 autres mois étant pour les locaux de Chennai et des alentours. Pour son travail, il gagne 10 000 roupies (230 $) par mois qui servent exclusivement à payer le loyer de la maison. En plus, il reçoit une allocation de 200 roupies (4.60 $) par jour pour sa nourriture. Nous supposons donc qu’il doit en épargner le maximum car 6 autres personnes doivent vivre sur cette allocation. Incroyable! Il doit donc faire un travail impeccable afin d’avoir le maximum de pourboire de la part de ses clients. Son plus long tour a été effectué l’an passé et a duré 35 jours avec quatre français dans un minibus. Heureusement qu’il ne parle pas français car il aurait trouvé le temps long à écouter leurs jérémiades!
Son pourboire
Hier soir au souper, sans savoir combien il gagnait, nous avons estimé à 5 000 roupies (115 $) le pourboire total que nous allons lui donner à la fin du voyage soit le double par jour que nous avons donné à Sanju, notre chauffeur pour le nord, estimant que nous avons reçu un très bon service de Vidji. Considérant qu’il gagne 10 000 roupies par mois, notre 5 000 roupies de pourboire pour 13 jours de travail est par conséquent bien adéquat et lui permettra de payer à sa famille quelques petits extras en ce début d’année 2011.
Profession : chauffeur
Toujours bien mis avec sa chemise et son pantalon blanc, Vidji est le type même du chauffeur dédié et loyal. Bien avant que nous soyons levé, il a déjà lavé l’auto et nettoyé l’intérieur afin que nous puissions y prendre place. Mais la vie de chauffeur n’est pas facile car aucun hôtel n’offre d’accommodation pour ces gens de métier. Il est donc bien heureux lorsque l’hôtel est situé en dehors des villes car il peut alors stationner l’auto dans le stationnement et dormir sur le siège du passager. Il peut aussi profiter de toilettes extérieures mises à leur disposition mais pas toujours propres selon Vidji. Lorsque l’hôtel est situé en pleine ville, il doit alors stationner l’auto le long d’un trottoir et y passer la nuit dans le bruit et la cacophonie. Quant à sa nourriture, nous ne savons pas mais nous supposons qu’il va se nourrir aux nombreux petits bouibouis où il trouve à manger pour pas cher.
Comme conducteur, Vidji est super prudent, peut être un peu trop à notre goût car il manque souvent de belles occasions de dépasser des véhicules plus lents. Et lorsqu’il se décide à la faire, c’est un brusque coup de volant à droite pour dépasser, suivi d’un autre aussi sec à gauche pour revenir dans sa voie! Nos perruques risquent à chaque fois de prendre le bord! Mais il est très prudent et aguerri et par trois fois il a su éviter in extremis des collisions avec des jeunes cyclistes imprudents qui ont décidé de traverser l’autoroute sans même regarder. Nous l’avons félicité pour la rapidité de ses reflexes!
Vidji et la religion
Pendant la visite des temples en sa compagnie, nous avons découvert un Vidji très religieux et, à mon étonnement, très pratiquant. Son dieu, c’est Shiva dont il est un inconditionnel. J’ai déjà utilisé «fous de Shiva» pour décrire ces pèlerins qui vont de temple en temple, la barbe longue et habillés de noir. Il nous a avoué qu’il en faisait parti et que chaque année, dans la semaine du 14 janvier, il prenait une semaine de congé pour aller faire son pèlerinage. Le 14 janvier, habillé de noir, il quitte Chennai en autobus à 2h00 du matin pour arriver à Thiruvannamalai vers 6h00. Il fait ensuite le tour de la Montagne Sacrée à pied pour arriver enfin au temple de Shiva où se déroulera LA cérémonie de l’année soit le miracle de la lumière de Shiva apparaissant sur le faite de la montagne à 18h00 exactement et durant seulement 3 minutes. Un million de pèlerins sont alors réunis dans la ville, devant et autour du temple de Shiva. Cet événement est diffusé en direct à la télé sur la chaine Sun Tv. Il nous a fortement recommandé de ne pas le manquer! Encore faudra-t-il trouver cette chaine sur Internet!
Les fous de Shiva et Pavarti
À chaque fois que nous avons visité un temple de Shiva depuis que nous sommes dans le sud, nous avons toujours vu ces hordes de c«fous de Shiva», habillés de noir, accompagnés de leurs pendants féminins, les «folles de Pavarti», la femme de Shiva, toutes habillées de rouge et de jaune. Nous lui avons donc demandé ce que faisaient ces gens! Il nous a alors expliqué qu’entre le 14 novembre et le 14 janvier se déroulait une grande fête pendant laquelle les disciples de Shiva et Pavarti parcouraient le sud en autobus pour aller en pèlerinage dans chacun des grands temples de Shiva. Pendant cette période, chacun d’eux fait un jeûne de 45 jours, ce jeûne consistant à ne pas manger de viande. Cette grande «fiesta» se termine par le feu sur la Montagne Sacrée le 14 janvier à 18h00 comme décrit auparavant.
La question qui tue!
La seule question que Marcel et moi n’avons pas osé demander à Vidji est la suivante : «Es-tu vraiment certain que la fameuse flamme sur le dessus de la Montagne Sacrée est un miracle ?» C’est évident que nous ne la lui poserons pas car ce serait douter de la véracité de sa foi au «Lord Shiva» comme il le nomme. Mais nous, on a déjà vu neiger et les miracles qui se produisent exactement pendant 3 minutes à 18h00 le 14 janvier de chaque année, on repassera! Je connais des Chambres de Commerce au Québec qui seraient très contentes de concocter un petit miracle comme cela afin d’avoir un million de personnes supplémentaires dans leur ville! Gros retour sur l’investissement!
Raymonde devait se joindre à Marcel et Guylaine ce matin pour faire l’ascension de la Montagne sacrée de l’ashram Ramana à 6h30 mais elle a décidé de rester couchée, préférant laisser au passé ce qu’avait vécu sa sœur Marie-Pier à cet endroit.
L’ascension comme tel s’est effectuée en moins de 30 minutes, le sentier étant bien construit avec des marches solides et bien disposées. Arrivés à la grotte où Sri Ramana est demeuré jusqu’à sa mort, ils ont dû attendre le bon vouloir des gardiens qui leur ont signifié que l’accès en était interdit jusqu’à 8h00 afin de leur permettre d’en faire le ménage. Et même lorsqu’ils purent y pénétrer, le vacarme de la ville tout en bas et des gens qui nettoyaient ont rendu toute séance de méditation bien difficile. Bref, cette excursion n’eut pas l’effet escompté, malheureusement.
Raymonde et les sadhus
Nous avons quitté notre resort de Tiruvannamalai en direction de Mamallapuram mais en faisant, en auto, le circuit de 12 kilomètres qui fait le tour de la Montagne Sacrée et que les pèlerins hindous font à pied. Presque sur tout le trajet, un large trottoir de 3 mètres de largeur permet aux marcheurs d’éviter la circulation. Raymonde veut arrêter à un des nombreux temples qui marquent ce parcours afin de prendre des photos des sadhus qui pullulent dans ce secteur. Vidji se fait donc un plaisir nous arrêter à l’un d’eux et voici notre belle Raymonde qui prend des photos d’une couple de sadhus. En quittant, comme elle n’a pas de monnaie, elle veut leur remettre un billet de 100 roupies pour qu’ils se le partagent car ils ont certainement acquis assez de sagesse pour le faire. Mais chacun le dispute à l’autre, aucun ne voulant pas le partager! Devant le ridicule de la situation, elle déchire le billet en deux et en remet une moitié à chacun d’eux! «Là vous allez être pris pour vous entendre!» qu’elle leur lance en regagnant l’auto!
Chariot Beach Resort
Nous atteignons notre hôtel, le Chariot Beach Resort de Mamallapuram, à 14h45. Encore une fois, nous sommes choyés car l’endroit est magnifiquement situé sur la mer avec une plage privée et une immense piscine. Les chambres sont grandes et le lit douillet. Et la toilette fonctionne très bien! Mais les prix du resto sont astronomiques! Pour une frite qui coûtait 40 roupies à l’ashram, ici, on en demande 250! Faudra s’y faire car nous couchons deux nuits ici.
Décompte des photos à date
Nous avons terminé notre journée en prenant une autre bouteille de vin dans notre chambre et en parlant des événements des derniers jours. Raymonde et Marcel sont allés partager une assiette de pâtes au resto tandis que Guylaine a préféré aller se coucher. Quant à moi, j’ai mis mon bloque à date et fait le classement de mes photos. En fait, j’ai 7 029 photos de prises depuis le début du voyage et Raymonde en ajoute 2 470 autres à ce nombre.
Voilà pour notre journée qui se termine sous une pluie fine. Espérons qu’il fera beau demain car, à compter de 10h00, nous avons une longue visite de temples à faire avec un guide que notre bon Vidji nous a déniché en précisant bien : «No money for me! I’am honest! This is my duty!».