4 février – mercredi - Hôtel Toraja Misiliana
En premier, je désire parler de notre « chez-nous » de cette semaine. L’endroit hébergeait une rizière à l’origine. Le propriétaire a acheté 14 hectares de terre afin de construire cet hôtel, qui malgré qu’il n’y ait pas de climatisation, est très agréable et frais. La douche date des années ’70, mais fonctionne très bien. Notre cottage était un ancien grenier pour le riz.
Le personnel est très accueillant mais aussi très présent. À la réception, les gens portent le costume traditionnel. Qu’importe où nous sommes une paire de yeux suit nos déplacements. Parfois, c’est un peu gênant, surtout lors du petit déjeuner. Leurs prénoms français viennent du fait qu’ils sont chrétiens. Je me disais aussi!
Les jardins sont superbes et très bien entretenus par deux femmes qui y besognent tout la journée. Ce site est idéal pour tous nos déplacements. On roule de 15 à 20 minutes, selon l’état des chemins, pour visiter les différents endroits offerts par l’agence. Le WiFi est gratuit mais la connexion ne se fait qu’à la réception. Une jolie piscine se trouve au centre de ce complexe hôtelier. Ce matin, j’aurais bien mangé pain, beurre et confiture. Le beurre non réfrigéré est monté en spirale et goutte plus le fromage que le beurre. Bon!
Nous débutons notre journée au marché hebdomadaire qui a lieu le mercredi à Ratanpeo soit à environ 12 km de Lemo où nous habitons. Une autre chance pour nous avec la présence du soleil, une journée de plus.
Ce marché est très coloré de fruits, légumes, articles ménagers, et tout le tralala d’un marché public, mais celui-ci se distingue par la présence des animaux à vendre, surtout des buffles d’eau et des cochons. Et il y a aussi les fameux combats de coq qui demande une préparation du coq qui dure des semaines et parfois des mois, à le masser, afin d’affermir ses chairs pour qu’il gagne. De petits couteaux sont fixés aux ergots pour s’assurer de la mort du plus faible qui sera mangé sans honneur. Le coq étant très territorial se battra à mort pour évincer le coq ennemi.
Je goutte au langsat, petit fruit local rond de la grosseur d’un gros raisin rouge qui contient un noyau en son centre enveloppé d’une pulpe gélatineuse sucrée et douce. Ça sera pour notre souper avec les autres fruits et quelques biscuits accompagnés d’un thé Lipton, gracieuseté de la maison. Ce marché dure toute la journée et une partie de la soirée pour ceux qui n’ont pas trop de route à parcourir. Durant la semaine, seulement les bâtisses permanentes abritent des animaux qui ainsi peuvent restés à l’ombre sans avoir à parcourir la route à nouveau. Mais aujourd’hui, des milliers de buffles d’eau, de tout âge, au nez perforé pour insérer une immense corde afin de le retenir à la main de son maître, se tiennent là pour être achetés et sans doute finir saignés durant les différentes cérémonies des Torajas. Ils sont beaux mais combien sanguinaires. Marcher pieds nus dans le sang des buffles, il faut le faire!
J’apprends que le bambou sert à la fabrication des articles ménagers : transporter du riz, faire des paniers de toutes sortes, des objets de décorations ou utiles dans la cuisine, alors que le rotin sert à tisser des tapis comme ceux posés sous les buffles avant d’être éventrés. Ils sont résistants et surtout imperméables. Le toit de notre cottage est en rotin tressé.
Nous reprenons la route pour Kete Kesu, l’un des plus anciens villages de la région où Richard nous explique la forme et la taille des maisons familiales traditionnelles Tonghonan des Torajas. Elles sont faites en forme de bateaux. Je ne vois tellement de différence avec toutes celles photographiées depuis que nous sommes dans la région. Selon l’opinion de celui qui la regarde, le toit peut représenter des cornes de buffles et pour l’autre, surtout s’il est marin, il dira qu’il a la forme d’un bateau. Comme dit Richard : « Ils ont raison tous les deux ».
Ce village serait céleste car les Torajas, selon la légende, seraient descendus du ciel. Tana Toraja veut dire « Terre des rois célestes ». Cet endroit daterait de 3 000 ans et le toit Tonghonan qui s’élance vers le ciel lui donne une apparence aérienne. Mais les marins discutent cette version, car on dit que les Bataks et les Torajas, comme mentionné auparavant, origineraient du sud de la Chine, et ce, depuis 5 000 ans. Naturellement, vu que l’histoire s’est transmise de bouche à oreille, de génération en génération, il est facile de conclure qu’elle a pu subir bien des variantes selon les oreilles qui les écoutaient et les bouches qui les transmettaient.
Ici, le nombre de cornes de buffle correspond aux nombres d’animaux sacrifiés lors des funérailles. À mieux dire, au statut social du défunt, alors que chez les Bataks, les cornes correspondaient au compte générationnel de la personne décédée, que dis-je, de l’homme décédé.
Richard explique que dans ce village ancien, le chef du village, pour régler un conflit entre deux antagonistes, leur faisait apporter chacun un coq pour qu’ils se battent. Le coq gagnant donnait raison à l’une des deux personnes, coupable ou pas. Ainsi était la cours de justice de ces temps anciens Toraja. Aujourd’hui, le combat de coq se fait strictement parce que c’est payant pour le gagnant.
Un jeune homme assis près de nous regarde nos allées et venues. Je demande à Richard pourquoi il n’est pas à l’école. Ici, primaire et secondaire sont obligatoires, donc l’enfant va à l’école jusqu’à 12 ou 13 ans, et c’est une éducation publique offerte par le gouvernement. Si les parents n’ont pas de sous pour l’envoyer au collège, alors il cherche un emploi ou quitte son village pour aller travailler ailleurs. C’est comme l’exode de nos jeunes vers les grandes villes. Beaucoup de jeunes quittent pour Singapour, Hong Kong ou pour travailler sur les bateaux, car c’est très payant. Je ne parle pas de filles car ça serait trop long et ma frustration ne serait qu’augmentée à ce sujet! Devinez pour les filles???? Bon!
Les grottes de Londa où là aussi les Tau-Tau (poupée à l’effigie des morts) trônent sur un balcon à la devanture d’une grotte du village visité.
Les morts ne sont pas enterrés mais placés à l’intérieure de la grotte, enveloppés dans un tissus ou placés dans un cercueil pour être transportés au cœur de la grotte. Plusieurs tombeaux datent d’une centaine d’années, mais à l’intérieur, on peut voir des corps récents enveloppés ainsi. Ici, les gens disent de la personne décédée, qu’elle est malade jusqu’à ce que ses funérailles aient lieu : alors, ils disent, elle est décédée. Ces cercueils remplis et entassés profondément à l’intérieur donnent un peu de frissons à cotoyer ces crânes et ces ossements pêle-mêle. Des crânes à l'entrée de la grotte surveillent les nouveaux venus avec des yeux ronds et sans expression!
Il est 14h00 et nous dînons à Rantapeo. Nous sommes fatigués. J’avise Richard que nous terminons notre journée par ce dîner. Nous voulons rentrés pour prendre le temps de visiter le site où nous sommes, se baigner, et ce soir, je me fais masser par la cuisinière qui trouve que mes épaules sont trop rigides. Eh! Bien, ça va pour 19h00 et pour 15$ pour une heure, rien à perdre ma Raymonde!
Nous réalisons qu’à partir de 15h00, le ciel commence par se couvrir, ensuite les nuages s’ajoutent à un rythme continu jusqu’à 16h00 pour ensuite nous menacer de pluie. Elle annonce sa présence par un tonnerre qui gronde et aujourd’hui, j’ai vu ma première boule de feu qui précède l’éclair. C’est quelque chose. Les deux dames qui travaillent dans le jardin ont criées et courues se mettent à l’abri. Ça duré une heure : temps de repos pour mon homme et relaxation pour moi en triant mes photos de la journée.
Une vieille dame s’abrite d’un parapluie naturel : une feuille de palmier à l’envers. Sa bouche tachée de bétel sourit à dents espacés et non à pleine dents ! Elle est amusante la madame !