5 mars 2013
Nous habitons le quartier Bund qui veut dire "rive boueuse" alors que Shanghai veut dire "sur la mer". Il forme la rive droite du fleuve Huangpu, rivière longue d'une centaine de kilomètres mais large comme quatre fois la Seine, qui se jette dans le fleuve bleu à deux heures de bateau plus au nord, qui déverse ses flots dans une estuaire grand comme la Mer de Chine.
Le Bund était au temps des concessions le port de Shanghai ainsi que le c?entre commercial et financier de la cité. Au fil de l'enrichissement de la ville, les quais du fleuve Huangpu les plus proches du confluent avec la rivière Suzhou ont été progressivement rebâtis dans un style néo-classique puis Art Déco par les grandes banques installées à Shanghai.
Aujourd'hui, nous sommes descendus marcher sur la Promenade Bund où une statue du premier maire communiste regarde ses chinois devenir capitalistes.
Au début des années 1930, l'une des plus grandes fortunes de la ville, Victor Sassoun Bagdadi Sefarade y construisit l'hôtel Cathay -aujourd'hui hôtel de la Paix-, dont le plan reproduisait, dit-on, le tracé de la grande synagogue de Bagdad. Le nouveau propriétaire de l’hôtel est le Fairmont canadien.
Après 1949, les nouvelles administrations shanghaiennes se sont installées derrière les façades du Bund rebaptisé « rue Sun Yat-Sen » (Zhongshan Lu). Une série d'inondations provoquées par les cyclones récurrents qui frappent la région de Shanghai, a conduit les autorités à rehausser le quai qui a perdu sa fonction première. C'est aujourd'hui une vaste promenade, où déambulent Shanghaiens et touristes en quête d'air venu du large.
C'est de là que nous avons contempler les beautés urbaines d'un ancien quartier colonial parfaitement restauré face auquel se dressent les tours futuristes de Pudong, alors que se déroule sur le Huangpu un ballet incessant de barges commerciales et de bateaux restaurants, sous les écrans géants et les néons d'un lieu qui prend toute sa dimension à la nuit tombée, que nous avons admirer hier soir.
Les premières limites de la concession françaises furent établies en 1849. Le Consul et sa famille s'installèrent au bord du Whangpoo, dans une maison située dans les terrains vagues qui s'étendaient entre la concession anglaise, déjà installée depuis six ans, et la ville fortifiée chinoise. Le Yang King Pang, ruisseau affluent du Whangpoo, séparait les Anglais au Nord des Français au Sud. M. de Montigny fit de cette zone désolée la concession française. Ni jardins, ni rizières dans les terres concédées aux Français : des marécages inhabités, voilà ce qu'était Shanghai a l'époque.
Marie-Laure des Dorides résume l'histoire ainsi:
En 1862, il existait trois concessions à Shanghai : la concession anglaise -la plus ancienne- et les concessions américaine et française. Les Anglais et les Américains avaient pour projet de réunir les trois concessions dont les traditions d'administration étaient jusque là totalement différentes afin de former une seule et même concession, plus cohérente, plus puissante et donc plus riche.
Mais les Français refusèrent cette proposition et menèrent une « guerre d'indépendance » contre les autres concessions qui finirent par se regrouper pour former une concession internationale. Au milieu du 19e siècle, la colonie française ne comptait qu'une dizaine de personnes. En 1880, elle regroupait 33.660 habitants, dont 33.330 Chinois et quelques 330 « étrangers ». Vingt ans après, en 1900, la population avait triplé. La concession elle-même s'agrandit : des 66 hectares initiaux, elle passa à 144 en 1900. En 1906, la première ligne de tramway fut ouverte.
Jusqu'en 1940, Shanghai connut un développement spectaculaire. Le domaine français gagna du terrain, les ruisseaux furent comblés et de grandes avenues furent construites. Après la Grande Guerre, la concession française était à son apogée.
Le développement de la concession française fut témoin des péripéties sanglantes de l'histoire chinoise sans pour autant être directement touchée, que ce soit les conflits entre nationalistes et communistes chinois, les bombardements japonais ou l'occupation de la ville chinoise par l'armée nippone. D'un côté les belligérants évitaient tout conflit sur les territoires des concessions, de l'autre les autorités françaises veillaient au respect de sa neutralité.
Cette sérénité attira des populations migrantes comme les Russes fuyant le régime léniniste ou les Juifs d'Europe sous la seconde guerre mondiale, période trouble qui ne fit qu'effleurer la concession française. A cette époque, ceux qui n'avaient pas rejoint le général de Gaulle restèrent sous la tutelle lointaine du régime de Vichy. Suivirent ensuite de graves incidents avec les Japonais, entre Français eux-même et les prémices du démantèlement colonial. L'entrée des troupes de Mao en 1949 mit un terme définitif à la concession.
Fin du cours d'histoire de Shanghai.
Frisons à la Tour de la télé
Tout autour se presse le peloton - plusieurs milliers de tours de 18 étages, presque autant de grues, qui devraient doubler ce chiffre d'ici à 2020. Ce vertige prend toute sa démesure au pied de la tour de la télévision : érigée dès 1993, elle est déjà l'emblème de la ville. Tout en haut, à plus de 400 mètres du sol, une promenade en fait le tour, dont le plancher vitré donnant sur le vide offre le grand frisson que j'ai expérimenté cet après-midi. Malgré la brume, la sensation était super forte.
La visite de la tour terminée, l'ascenseur descend à une vitesse d'enfer jusqu'à l'incroyable musée de l'Histoire de Shanghai situé au sous-sol. Dans la pénombre, des dizaines de maquettes plus vraies que nature racontent les rues de l'ancienne ville chinoise, les coolies tirant leur palanquin ou les opiomanes en tunique fendue... Au vertige des temps à venir répond l'écho des temps disparus.
Le beau Christian!
Mesdames, c'est pour vous montrer qu'à Shanghai, le guide peut être vraiment beau! Nous sommes choyés!
Le Décapsuleur (alias du Shanghai World Financial Center) est le plus haut immeuble de Chine (492 mètres). Plus pour longtemps : à ses pieds s'érigent déjà les murs du futur champion national de saut en hauteur, la Shanghai Tower, au record annoncé de 632 mètres.
Pascal roupille pendant que je vous cause. Nous sortons pour un souper suivi d'un spectacle d'acrobatie. Je réalise que les artistiques du Cirque Du Soleil, à ses débuts, étaient majoritairement chinois et russes. Je comprends pourquoi aujourd'hui car l'acrobatie fait partie intégrante de l'histoire chinoise, depuis des siècles. Voila!
POUR LES PHOTOS DU JOUR & EN SAVOIR PLUS : Le Jour 33 sur le blogue de Pascal.