Jour 25 – Angkor, encore, encore…

25 février 2013

Hier, fête d'Antoine, fils de Marilyne et Sylvain, nous étions trop fatigués pour écrire. Nous avons quitté l'hôtel à 07h30. La température varie entre 36° et 38°C. Il fait drôlement chaud! Nous cherchions l'ombre pour s'asseoir sur des pierres datant du XI au XIIe siècle. J'en oublie la chaleur et j'écoute l'histoire et les légendes racontées par notre charmant guide, Thit. Il est âgé de 41 ans et est père de deux enfants: 7 et 5 ans, garçon et fille.

Nous visitons les temples d'Angkor. Je réalise un autre de mes rêves. L'ensemble est composé de très grands nombres de temples qu'il serait trop long à raconter.

Ce que je retiens principalement des temples sur l'ancien d'Angkor est que ce mot nokor, qui vient du sanskrit nagara (résidence royale) et vat ou wat qui signifie "temple, monastère" en khmer. Angkor se trouve à environ 5 km au nord de la vie que nous habitons pour 3 jours.

Deux rois ont joué un rôle capital: Suryavarman II et VII.

Un des temples visité hier, Baphuon, est un temple construit sur du sable. On pourrait le surnommé "château de sable". Les français ont joué et jouent encore aujourd'hui un grand rôle dans l'aide apportée pour redonner bonne figure à ces nombreux temples.

Travaux de restauration de Baphuon: le travail, comme ailleurs sur cet immense site, est de commencer par déraciner les arbres multi-centenaires qui ont mangé la pierre. L'opération est délicate. Au fil des ans, les arbres ont fait corps avec les pierres, et les retirer fragilise la structure. Ce temple-ci a en outre la particularité d'être construit sur une structure pyramidale en gradins remplis de sable. Ce "château de sable" qui constitue la base du temple a été coffré par des murs de pierre. Or, dans un pays trempé par les pluies six mois par an, l'humidité s'infiltre et fait gonfler le sable, ce qui déforme la structure en pierre.

Pour ce temple, comme plusieurs autres, il n'est déjà plus celui qu'il était au XIe siècle. Des recherches archéologiques ont montré que des effondrements avaient eu lieu dès la période de construction et, au XVe siècle, une partie des pierres écroulées à servi à construire un immense bouddha couché, long de 75 mètres, sur la façade ouest, la seule qui ne se soit jamais effondrée depuis. Les travaux de consolidation démarrent en 1908. L'urgence est de stabiliser l'enceinte. À plusieurs reprises, des éboulements importants dont ceux de 1943, 1949 et de 1952, ce château menace de s'écrouler. Il faut changer de méthode.

En 1960, un français, Groslier, alors directeur des recherches archéologiques, apporte une solution radicale: enlever toutes les pierres, renforcer la structure en sable, installer un système de drainage pour l'eau de pluie. Puis tout remonter. Un véritable casse-tête nature.

Pendant dix ans, chacune des 300 000 pièces du temple est ainsi retirée, numérotée, entreposée et tout est inventorié. Mais en 1970, la guerre civile éclate et, rapidement, les français se rendent à l'évidence. Il faut quitter le pays. Le chantier est abandonné et, tous les documents de référence sont entreposés à Phnom Penh, que nous visiterons demain.

La guerre civile cambodgienne de 1967 à 1975 interrompt les travaux en 1971. Le 17 avril 1975, les Khmers rouges, victorieux, entrent dans la capitale et ouvrent une des périodes les plus sombres de l'histoire moderne. Près de 1 700 000 cambodgiens trouveront la mort, pratiquement un quart de la population. Les grandes villes sont vidées et, à Phnom Penh, les bâtiments officiels sont saccagés. Les archives de la cité d'Angkor partent en fumée.

Le conflit indochinois, de 1978 à 1999 qui suit, provoque la fin du projet, et les ruines sont laissées à l'abandon. Il faudra attendre 1991 et les accords de paix de Paris pour reprendre le chantier.

En 1995, M. Royere et son équipe découvrent environ 300 000 pierres étalées sur 10 hectares de foret, pesant entre 5 kg et 1 tonne, pour beaucoup, recouvertes de mousse. Faute d'archives complètes, l'équipe peut s'appuyer sur trois éléments: 979 photos d'archives conservées a Paris, la mémoire de 50 ouvriers qui étaient là pendant le démontage, et la façade ouest restée debout qui peut servir de modèle. Un casse-tête à trois dimensions à rebâtir.

Il aura fallu un peu plus d'un million de dollars soutenu par l'EFEO et une équipe de 300 ouvriers cambodgiens dirigée par Jacques Dumarcay et Pascal Royere.

Le temple qui me fascine le plus est le Bayon qui veut dire "montagne magique". Une forêt de 200 gigantesques visages aux regards mystérieux regardant dans toutes les directions, des sourires énigmatiques, des êtres d'un autre monde, dans leur sérénité de pierre. Il a resté longtemps une énigme. Un temple de 3 étages et 43 m de haut, il fut construit au 12e siècle. Ce roi Jayavarman VII fit la transition entre l'hindouisme et le bouddhisme, et l'étage supérieur était consacré à Bouddha.

Souvent, notre guide Thit disait: le roi a écrit l'histoire sur les bas reliefs qui mesurent 1200 m de long, et représentent plus de 11 000 personnages sculptés qui relatent les combats et batailles navales entre les Khmers et les Chams, ainsi que des scènes de la vie quotidienne.

Une inscription sur le Ta Prohm indique que 12 640 personnes servaient dans ce seul temple, que plus de 66 000 fermiers produisaient plus de 2 500 tonnes de riz par an pour nourrir la multitude de prêtres, de danseuses et d'ouvriers du temple. Si l'on ajoute trois autres grands temples, on atteint vite 300 000 cultivateurs, soit à peu près la moitié de la population estimée du Grand Angkok du temps.

Je quitte l'histoire pour parler de mon vécu au Cambodge. C'est la première fois que Pascal et moi voyageons seuls avec un guide et chauffeur. Les avantages sont:

  • Aucun souci à se faire sur la logistique de l'itinéraire
  • Le guide sait où passer pour éviter la horde de chinois et de coréens. Souvent il inverse le circuit pour s'assurer que nous pourrons prendre les photos sans avoir l'impression que la ville de Québec au complet est sur la photo (j'exagère à peine)
  • Nous pouvons nous asseoir et écouter ses explications où ses légendes; nous pouvons poser toutes les questions au fur et à mesure qu'il raconte
  • Aux toilettes, pas de file à faire
  • Une heure pour dîner et nous sommes repartis pour la prochaine étape
  • Souvent, il nous suggère une activité supplémentaire pour la journée, et le lendemain, temps libre; ce que nous apprécions grandement
  • Pas besoin de chercher un resto pour le souper. Celui déjà inclus est souvent super et bien situé et on y sert du vino...
  • Une bouteille d'eau et une serviette humide à chaque fois que nous en avons besoin
  • Au repas, seulement Pascal et moi. Nous pouvons échanger sans fournir aucun effort pour se comprendre. Ici, au Cambodge, nous avons la chance d'avoir un guide avec un excellent français. On peut arrêter à la pharmacie, au magasin, être en retard sur l'horaire, le chauffeur garde un sourire immuable
  • Exception du Laos, le chauffeur saute de son siège pour ouvrir et fermer notre porte

Je crois qu'a quatre, c'est aussi facile, comme notre voyage en Inde avec Guylaine et Marcel.

Chez notre guide Thit

Hier, Thit nous a invité chez-lui. Pascal a sans doute raconté, alors j'ajoute seulement mes commentaires. La fierté de Thit à nous présenter sa femme et ses deux enfants était belle à voir. Il voyait à tout, donnait des ordres à sa femme et sa belle-sœur, nettoyait la table en discutant, demandait d'autres choses à sa femme qu'il appelle "hon" pour honey... Sa pauvreté est acceptable car il est fier de ce qu'il est lui. Il est libre de penser et d'agir selon ses valeurs. Il pourrait être plus riche, mais il lui faudrait faire comme on lui demande de faire et parfois même, être un peu malhonnête. Il ne peut pas. Il choisit ses valeurs.

Lorsque nous sommes partis de chez-lui avec le chauffeur, les enfants, Thit et sa femme nous envoyaient la main comme si nous les connaissions depuis toujours. Ce fut une sensation très douce et affectueuse. Il dit que c'est la première fois qu'il partage son intimité avec des étrangers, et il est guide depuis des années. Nous sommes touchés et émus de tant de générosité. Comme quoi, les pays se suivent mais ne se ressemblent pas.

J'en conclus que ce sont les gens responsables de notre séjour qui font que nous aimons ou non le pays. Le guide en premier, le chauffeur en deuxième, l'hôtel ou nous habitons, le personnel qui travaille à rendre notre séjour agréable, les restos ou nous découvrons les différences, etc. Ensuite, l'histoire du pays ouvre nos horizons sur la compréhension du caractère du peuple que nous découvrons. L'absence de klaxon, la politesse ou parfois la timidité des gens autour de nous, les regards échangés avec un sourire, les salutations de la tête qui montrent l'acceptation ou refus du laissez-passer...

Nous arrivons d'aller souper avec Thit et son ami chauffeur de tuk tuk appelé remorque ici, car traîné par une moto. Beaucoup plus humain comme approche. Pascal et moi leur offrons le repas. Journée remplie d'humanité, de compassion et d'appréciation, de part et d'autre! Quel beau voyage!

Bonne nuit!


POUR LES PHOTOS DU JOUR & EN SAVOIR PLUS  : Le Jour 25 sur le blogue de Pascal.


 

One thought on “Jour 25 – Angkor, encore, encore…

  1. Valérie Vézina

    Quelle touchante anecdote! C'est vrai que le contact humain donne toute la saveur d'un voyage et amplifie, en positif ou negatif, nos sensations et souvenirs. Vous avez fait une belle rencontre. Est-ce que Thit est bouddhiste et croit au kharma?

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