24 février 2013
Dans la vie nous avons tous des objectifs, des buts, des rêves. Plusieurs de mes rêves de voyage se sont réalisés au cours des années: j'ai vu les pyramides d'Égypte, Bethléem et Jérusalem en Israël, le Vatican à Rome, le Machu Pichu au Pérou, le Taj Mahal en Inde. Or, parmi les merveilles du monde, il ne me reste que la muraille de Chine que je verrai dans quelques jours, et les fameux temples d'Angkor dont Angkor Wat est l'emblème.
Mais je ne vous raconterai pas la première partie de cette journée hors de l'ordinaire consacrée à la visite des temples Angkor Phrom, Angkor Thom et du majestueux Angkor Wat qui m'a, comme les autres, tirées quelques soupirs d'admiration.
Non. Je ne vous parlerai par des émotions que j'ai vécues, des superbes photos que j'ai prises et des légendes et histoires dont notre guide a émaillé ces visites.
Non. Je ne vous en parlerai pas, même si j'aurais des pages et des pages à écrire. Vous pouvez tout trouver sur Internet.
Non. Je ne vous en parlerai pas parce que Raymonde et moi avons vécu quelque chose d'aussi extraordinaire et qui marquera encore plus notre mémoire: nous avons été invités dans l'humble demeure de notre guide pour y vivre des moments uniques. Thit est âgé de 41 ans, marié avec deux enfants, un garçon de 7 ans et une fillette de 5 ans.
Alors que nous étions sur le chemin de retour à l'hôtel, je lui demande s'il serait possible d'acheter quelques bières locales bien froide. «Pas de problème! Et je vais acheter pour vous. Beaucoup moins cher car on fait payer le triple aux touristes!». Il se retourne alors vers nous, et tout timide, nous demande si cela nous ferait plaisir de venir rencontrer sa femmes et ses enfants à sa maison. Nous lui répondons: «Mais bien sur! Nous prendrons la bière ensemble alors!» Il est tout joyeux et nous dit combien ce sera un honneur pour lui de nous recevoir! Il appelle sa femme pour qu'elle aille au marché chercher quelque chose.
Rendus à l'hôtel, il donne ses instructions au chauffeur comment se rendre chez-lui et va chercher sa moto pour revenir à sa maison. Une quinzaine de minutes plus tard notre mini-bus emprunte un chemin de terre plein de trous bordé de petites maisons, des huttes pour la plupart, mais surtout de terrains vagues pleins de détritus. Thit arrive sur sa moto avec un sac rempli de bières. Neuf en tout! Je le conjure de me laisser le rembourser. «Cinq dollars!» qu'il me dit. Pour les 9?. «Oui, oui, oui!» Tabarnouche! Ce midi, au resto, une grosse bière et une bouteille d'eau m'ont coûté 7 $. C'est vrai que les touristes sont exploités!
Il nous dirige vers sa maison. Quatre murs en panneaux de bois. Toit de tôle. Plancher de béton. Auvent en tôle aussi au dessus de la porte d'entrée avec une belle table en pierre polie autour de laquelle nous nous assoyons. L'intérieur est vaste avec une chambre dans le coin gauche, au fond, avec la toilette et la cuisine. Dans la pièce principale, deux télés montées sur des bibliothèques et un grand lit avec une natte mais sans véritable matelas. Au mur, un grand tableau blanc sur lequel on voit des écritures en français, des mots, des expressions, traduites en cambodgien. Un calendrier-agenda aussi. Au dessus, des dessins d'enfants épinglés sur toute la longueur.
Thit me confie qu'il a emprunté pour construire sa maison, sans autorisation, sur un terrain du gouvernement. Le prix d'un terrain, ici, c'est environ 25$ le mètre carré. En face, on a découvert les ruines d'une ancien temple enfouis sous terre. Hors, la loi stipule que personne ne doit se construire à moins de 100 mètres d'une site archéologique. Si le gouvernement vient à appliquer la loi, il risque alors, en tant que squatter, de se voir expulser d'ici.
Thit m'explique que sa jeune belle-soeur vit avec eux. C'est elle qui couche dans la chambre fermée avec leur fils. Lui et sa femme couchent dans la grande pièce avec leur fillette. Sa belle-soeur étudie pour travailler à la banque mais il ne voit pas beaucoup de possibilité pour elle dans l'avenir. Je le rassure en lui prédisant beaucoup de touristes et de banques dans l'avenir de Siem Reap.
Lui, quand il ne guide pas, il est professeur de français pour le gouvernement mais il gagne moins alors. On lui permet le double emploi car guider est plus payant. Il doit cependant veiller à faire certaines tâches afin de conserver son statut d'enseignant. Son épouse enseigne aussi mais l'anglais.
Pendant que les deux femmes sont à la cuisine à nous préparer quelque chose à manger, le chauffeur, Thit et moi dégustons de bonnes bières noires Angkor Extra Stout fortes et super délicieuses! Raymonde s'est vue offert différentes sortes de thés: citronelle, jasimin, frangipanier et un mélange qui goûtait le thé des moines., Je profite de ce moment pour aborder avec notre guide la douloureuse période des Kmers rouges qui ont fait périr tant de Cambodgiens à la fin de la guerre du Vietnam. «Catastrophe! J'avais trois ans. Mes parents ont souffert. Tout le monde a souffert. Terrible! Terrible!» Je n'ose pas continuer sur le sujet lorsqu'il me confie que les dirigeants actuels sont les amis de ces gens-là... Les murs ont parfois des oreilles...
Raymonde s'est faite une nouvelle amie: la fillette du couple! Elle est sur ses genoux et, après avoir vu Raymonde prendre quelques photos avec sa tablette et les manipuler avec ses doigts, la voilà, sans aucune formation, qui, de ses petits doigts, ouvre, déplace, agrandi les photos comme si elle avait toujours fait cela! Étonnant! Incroyable! Quand on dit que les enfants sont des éponges et peuvent apprendre rapidement n'importe quoi, en voici la preuve! La fillette a 5 ans mais en parait 2 de moins. Elle est belle à croquer et Raymonde se fait un plaisir à la cajoler comme seule une grand-maman sait le faire!
Thit a installé un ventilateur muni d'un humidificateur qui projette un nuage de vapeur rafraîchissant vers nous. Jamais vu ça avant. «Fait au Cambodge!» qu'il me dit avec son sourire timide. Devant mon incrédulité, il ajoute en éclatant de rire: «Non. Fait en Corée! Comme beaucoup de choses ici.»
Quelques instants plus tard, c'est une plaque chauffante électrique de marque Jutjitsu ou quelque chose du genre qui fait son apparition au centre de la table suivie par des plats de légumes en morceaux et deux plats de morceaux de boeufs en tranches minces au-dessus desquelles on a mis un jaune d'oeuf. Nous comprenons alors que nous avons droit au grand luxe: une raclette. «C'est nouveau. Deuxième fois que j'utilise. Avant sur charbon de bois!» Cela se voit dans son sourire et ses yeux: nous lui faisons vraiment une grande faveur que de partager un repas en leur compagnie. Il en est très fier.
Il est 17 heures et même si nous avons un souper-buffet-spectacle prévu à 19 heures, il nous est impossible de ne pas participer à cette fête et déguster avec eux ce repas tout simple pour nous mais oh combien spécial pour eux... même si les deux femmes de la maison n'ont en fait mangé que très discrètement. Les invités d'abord. Il reste encore de la bière à prendre mais nous convenons de le faire plus tard, demain peut-être, car il faut revenir à l'hôtel pour nous préparer pour notre soirée.
Nous prenons congé de cette belle petite famille cambodgienne avec un tas de souvenirs impérissables et surtout la satisfaction d'avoir vécu avec eux un évènement qui leur a fait autant plaisir qu'à nous.
Lea Haoui de Siem Reap, Cambodge.
POUR EN SAVOIR PLUS SUR CETTE JOURNÉE :
Le Jour 24 sur le blogue de Raymonde.