5 février 2015 – jeudi - Hôtel Toraja Misiliana
Ces noms exotiques inconnus la semaine dernière, aujourd’hui défilent en étalant leurs beautés naturelles : les gens, les rizières, les arbres fruitiers, les animaux et les rocs funéraires des Toraja.
Nous quittons à 09h00, comme d’habitude ici. Hier, le massage de la cuisinière a produit fruit, car mes épaules sont plus souples et mes cuisses plus légères, ce qui ne veut pas dire que je deviens avec la cuisse légère!
Quelle fut ma surprise ce matin, en lisant sur les enveloppes de sel et poivre, que le mot indonésien pour sel est Garam, bien oui, sels mélangés pour nommer le Garam Masala indien. Alors, est-ce que le mot merica pour le poivre voudrait dire « terre de poivre » pour nommer America? Bon!
Nous sommes servis à la table, car nous sommes les deux clients à se présenter pour 08h00. Ce matin, le personnel est au nombre de 5 seulement, mais le service est excellent tout comme le café qui s’est amélioré depuis les 2 derniers jours.
La différence entre les chrétiens d’ici et ceux de chez-nous, c’est la crémation est interdit par leur religion et appartient au peuple à l’hindouisme. La religion chrétienne prône la mise en terre, car on vient de la terre et nous retournerons à la terre selon ce principe. Ici, la terre sert à la culture et à les nourrir, alors ce sont les grottes et le roc en abondance qui servent de cimetières au peuple Toraja depuis des siècles. Et comme le dit si bien Richard, la grotte ou le roc devient leur maison sans fumée, pour l’éternité. Enterré, il n’y aurait plus de maison pour le Toraja.
Les 3 causes de décès à Sulewasi sont les crises cardiaques, les accidents de toutes sortes, principalement de motos et les drogues : poudre, héroïne et ecstasy. L’opium : très peu. Par le passé, il y avait des morts, c’est certain, mais il n’y avait pas de funérailles durant la période de la culture et de la récolte du riz. Le corps pouvait rester exposé pendant des mois. Comment le conservait-on, car il fait chaud et humide ici? Je vais demander.
En route vers l’inconnu, Richard répond à nos questions au sujet de leur forme de gouvernement. C’est une république ayant à la tête un président élu ainsi que des chefs de région et des chefs de province dont Jakarta abrite le gouvernement central pour dire national. Je reviendrai sur le sujet à un autre temps.
Ce matin, nous partons pour la montagne et naturellement le sujet des funérailles, des mausolées, des niches et des grottes continuent à défiler sur cette route que je nommerais lacet, même pas un chemin, ou si, un chemin de vache. Le mausolée fut introduit dans la région par l’arrivée des Hollandais.
Déjà une surprise nous attend. Des pointes de pierre ressemblant étrangement à des menhirs se tiennent face au ciel, au-dessus des rizières, afin d’annoncer le décès de quelqu’un. Un menhir de nouvelle par décès et c’est un membre de la famille qui va apporter cette pierre qui devient la maison temporaire pour célébrer les funérailles.
Je vais toucher un sujet délicat : le chien. Ici, il est considéré comme la poule, le cochon ou le bœuf. Il n’est pas un ami, comme chez-nous. Il est supposément délicieux! Je ne veux choquer personne en disant que la diversité de ces expériences de voyage nous ouvre une perspective nouvelle sur la manière de considérer le chien. Je n’irai pas jusqu’à en manger, quand même! Valérie et Vicky soyez sans inquiétude! Il me reste encore une petite corde sensible à ce sujet.
Au départ, la route est devenue un chemin, pour tourner en serpentin, pour s’étrécir en lacet pour résulter en un chemin de vache troué par l’eau qui descend de la montagne, en plusieurs ramifications. Des pierres servent de pont naturel. Pas besoin de vous dire, que ces pierres sont loin d’être égales. Je me suis cognée la tête à quelques reprises. Je tais les traitements que subit ma caméra.
Beaucoup de maisons Toraja sont construites sur le flan des montagnes, une partie dans le vide, face au ciel qui est témoin du danger que courent ces hommes durant cette construction. De la route, on ne voit que le pignon du toit. C’est dire comment les maisons sont dans le vide.
Le panorama est spectaculaire sur les rizières en terrasses de la vallée en-dessous, miroitant comme un patchwork dans les tons graduels de vert, parsemé de rochers énormes mégalithiques. Un certain nombre d’entre eux sont transformés en cavernes. Je comprends la différence entre la fameuse niche des grottes et la niche des rochers. Celles des grottes servent à annoncer, par ses balcons à l’effigie TauTau, quelle famille s’y trouve. Il faut alors pénétrer dans la grotte, comme à Lodan hier, pour voir les corps ou les cercueils. Tandis que la niche du rocher, si elle n’a pas de porte, ouvre grand son espace pour accueillir le mort. Cette niche est l’œuvre d’ouvrier qui ont cassé la pierre à force de bras seulement pour en la ressortir en tas de concassé, d’une grandeur pouvant variée selon la demande la famille. J’ai même vu, ce matin, une pierre ouverte de manière à ressembler à une bouche prête à manger le corps qui viendra ou qui viendront.
Plein de bananiers poussent dans ces montagnes. N’ayant pas de graines, il ne peut se semer, c’est pourquoi qu’un plant qui en produira d’autres par ses racines ou ses rhizomes dans la terre. Le plant prend un an et demi pour produire un « régime » de bananes, et ce, une seule fois. Ensuite, c’est l’autre d’à côté qui prendra la relève, et ainsi de suite.
Après deux heures de route, je réalise que j’aurais pu apporter de la fourniture scolaire pour offrir aux enfants de l’école. Nous sommes arrêtés et j’ai donné des sous que la directrice fut bien heureuse d’accueillir. Lorsque nous arrêtons parler aux gens de la place, on pourrait acheter des cigarettes, car la majorité des hommes fument ici. Ou encore des condiments pour servant à la préparation des repas de la famille.
Un chapelet de « comme c’est beau » se transforme en rosaire de « magnifique, splendide, majestueux, grandiose, incroyable, pour n’énumérer que ces mots là. Ce fut ainsi pendant les trois heures que nous avons pris pour monter, alors qu’une heure a suffit pour redescendre, et pourtant, c’était la même route.
Nous arrêtons photographier les rizières qui ont changé de couleur. Le riz est prêt à être cueilli et tout comme le blé, sa couleur sonne la date de la cueillette. Étrangement, les jeunes ont leur cellulaire et l’institutrice de l’école où nous sommes arrêtés, enseignait avec son portable ouvert devant elle. Je trouve que la femme de campagne est plus réservée que celle de la ville. Je montre ma caméra pour demander la permission de la photographier. Si elle m’indique non, alors c’est non et je la remercie par un bon mot et un beau sourire. Nous avons quand même le plaisir de partager cette espace qui est le sien et que je me dois de respecter. Souvent, je me retourne, et elle me fait signe que oui, je peux prendre sa photo. Merci, merci, merci ma belle!
Parfois, des personnes nous montrent leur mécontentement que leur cause notre présence sur leur territoire. Je comprends que nos comportements humains sont souvent régis par le manque ou l’attente, et ici, en particulier, la pauvreté nous montre un visage capté par nos caméras qui en dit long. Je peux comprendre cette colère, ce regard de déni de la part des hommes, cette expression de tristesse souvent sur le visage des femmes en particulier. Alors que les enfants, dans leur innocence, nous crient des « hello » sur une ligne de dents blanches comme la neige dans ces petits visages déjà burinés par le soleil. Il leur faut marcher, à tous les jours, même le dimanche, au moins quelques km pour certains, et plusieurs pour d’autres. Il n’y a aucun pourcentage d’obésité chez les enfants et les jeunes adolescents. Par contre, les 25 à 30 ans sont les plus ronds de Sulawesi.
Les rizières hébergent beaucoup de limaces et pour les contrer, le cultivateur dépose des feuilles de tabac dans sa rizière. Les quelques cercles d’eau que nous pouvons voir dans certain les rizières servent à garder des poissons, car certaines d’entre elles les retiennent afin de les manger par la suite, car ils grossissent beaucoup et rapidement. Ils gardent les plus petits pour ensemencer lors de la prochaine plantation.
Dans la région, les femmes portent le chapeau vietnamien tissé de bambou plus grand que celui de l’homme. Celui qui sert de parapluie dans les hôtels sont fabriqués dans des feuilles de palmier, plus grossier et moins raffiné que celui des dames.
En redescendant, je constate que les femmes portent l’écharpe repliée sur le dessus de la tête alors que l’homme la porte en bandoulière. Sans doute, elle pour se protéger du soleil, et lui pour porter des objets. Une peau sèche au soleil qui deviendra des chaussures.
Voilà pour cette journée de découvertes et de gratitudes pour tant de beautés qui nous entourent et aussi pour la conscience de pouvoir changer ce que nous pouvons au quotidien. Vive le sourire sincère, cette clé magique qui sert de passe-partout pour se rendre jusqu’à l’âme de chacun.